Pendant des décennies, les exportations culturelles du Japon, soutenues par l’initiative “Cool Japan” et sa révolution industrielle d’après-guerre, ont dominé la perception mondiale du soft power asiatique. Cependant, alors que le monopole culturel japonais semble s’effriter, cette ère pourrait toucher à sa fin. La crise démographique du Japon aggrave encore la situation : un faible taux de natalité, une population vieillissante et une structure sociale divisée héritée des influences occidentales d’après-guerre exercent une pression énorme sur ses industries culturelles. On se concentrera aujourd’hui sur la montée de la Chine et sa stratégie pour conquérir cet espace nouvellement vacant sur le marché mondial du divertissement.

Le déclin de la population japonaise : les seniors de 75 ans et plus dépassent les 20 millions pour la première fois | Nippon.com Source : Nippon.com

En contraste frappant avec le Japon, la Corée du Sud s’est imposée comme un modèle de stabilité et d’innovation. Le pilier de sa résilience économique repose sur les chaebols, des conglomérats familiaux qui exercent une influence massive sur le paysage financier du pays. En 2023, les 30 plus grands chaebols représentaient à eux seuls 76,9 % du PIB sud-coréen, une part qui continue de croître. Ces géants économiques ont non seulement stabilisé l’économie mais ont aussi propulsé l’essor explosif de l’industrie du divertissement coréenne.

La vague coréenne Source : Ministère de la Culture de Corée du Sud

La Hallyu, englobant les K-Dramas, le cinéma coréen et la K-Pop, est devenue un phénomène mondial. Née de la nécessité après la crise financière asiatique de 1997, elle représente un virage stratégique vers les exportations culturelles comme source de revenus. Le terme, inventé par des journalistes chinois pour décrire la popularité soudaine des médias coréens en Chine continentale (韓流, hánliú), symbolise aujourd’hui la domination de la Corée du Sud dans la culture populaire contemporaine.

Si le déclin de Cool Japan et la montée de la Hallyu semblent inévitables, un autre acteur majeur ne doit pas être sous-estimé : la Chine.


Tencent : Le Cheval au Galop

Aucune discussion sur le paysage culturel de l’Asie de l’Est ne serait complète sans mentionner Tencent, souvent surnommé le “Cheval au Galop” de la Chine. Avec sa présence massive dans de nombreuses industries, Tencent s’est imposé comme une force dominante sur le marché mondial du divertissement, grâce à de nombreux investissements internationaux.

Que ce soit dans l’industrie musicale, où Tencent détient une forte présence et des partenariats avec les plus grandes entreprises d’Asie de l’Est, notamment Sony avec Liquid State et TME, dans la vidéo et le streaming avec WeTV et Funimation (qui a produit Ready Player One et le nouveau Terminator), ou encore et surtout dans le jeu vidéo avec PUBG Mobile, League of Legends, Valorant, Clash of Clans et bien d’autres.

Tencent : L'Ultime Outsider Source : Not Boring

L’industrie du jeu vidéo en Occident a été sérieusement affaiblie par les coûts post-pandémiques jamais récupérés, provoquant des licenciements massifs, même parmi les éditeurs les plus stables. L’accueil critique des récents jeux AAA a été mitigé et la plupart des investisseurs considèrent le modèle GaaS comme la voie la plus stable.

Le succès immédiat de Black Myth Wukong, qui détient le record du plus grand nombre de joueurs simultanés sur Steam, témoigne de l’émergence de la Chine dans ce secteur.


HoYoverse et les “Everything Games”

L’impact culturel de HoYoverse dans l’espace mobile est incontestable. Genshin Impact, Honkai Impact 3rd, Zenless Zone Zero génèrent chacun plus de 1 milliard de dollars de revenus annuels tout en proposant des expériences de qualité qui ne reposent pas entièrement sur le gacha, 95 % des joueurs ne dépensant rien, les “whales” représentant seulement 1 à 2 % des revenus.

Zenless Zone Zero Urban Scene

La fidélisation des joueurs repose sur un onboarding rapide, une progression maîtrisée et une esthétique sinofuturiste, parfaitement illustrée par Zenless Zone Zero. Ces jeux sont multiplateformes et organisent d’importants événements communautaires, combinant plusieurs éléments rarement réunis dans un seul titre, un concept que l’on pourrait qualifier de “Everything Game” (cf. mon article sur les Everything Apps).


Conclusion : Sinofuturisme et Synergie

La montée de la Chine sur les marchés mondiaux (+30 milliards de dollars de croissance projetée entre 2025 et 2030) repose sur une synthèse stratégique. En s’appuyant sur le travail de longue date du Japon dans la normalisation des esthétiques asiatiques et en les fusionnant avec le sinofuturisme, la Chine crée un pont culturel vers l’Occident.

Alors que les industries culturelles japonaises stagnent sous la pression économique, la Chine prend le relais. Là où Cool Japan dominait autrefois, le sinofuturisme propose une vision dynamique et technologique de l’avenir de l’Asie.

- yaro